Translate

lundi 8 octobre 2012

Jour de rentrée ( dictée 6ème)

 Au premières notes de leur chanson, j'avais senti au dedans de coup profond qui me donne envie de pleurer; aussitôt une émotion de surprise et d'admiration l'avait tout entier d'un seul coup envahi. Jamais je n'aurais inventé cela; jamais je n'aurais même osé supposer cela : jamais je n'aurais supposé que l'on pût comme eux chanter et marcher d'un tel accord au lieu de marcher comme tout le monde. 
Cela finit gauchement, ridiculement. Ma grand-mère, qui avait entendu sonner onze heures à la fonderie, était sortie sur le pas de la porte. Je fis semblant de ne pas la voir et je continuais à défiler régulièrement, réglementairement devant la maison. Ma grand-mère se demanda un instant si j'étais devenu fou, si on m'avait rendu fou à l'école; puis voyant que j'étais bête, comme elle respectait les maîtres d'école beaucoup mais pas trop, elle m'appela en riant: " Dis donc, Pierre, tu ne viens pas manger la soupe?" Le maître me regarda, puis, comprenant brusquement, regarda ma grand-mère en souriant et me fit signe de m'en aller.

Charles Péguy, Souvenirs, Gallimard.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire